« Les dissidents des pays totalitaires l’avaient bien compris : il y avait plus grave, plus barbare que le risque d’être arrêté au petit matin, puis torturé et envoyé au Goulag. C’était de vivre dans un univers de mensonge, où tout était truqué, où l’on n’appelait plus un chat un chat, mais la guerre la paix, le recul économique un « grand bond en avant », etc.
Pire que la condamnation devant un tribunal, il y avait l’obligation d’aveux imaginaires. Pire que l’enfermement dans un camp, une sentence ayant forme légale mais un contenu indéterminé, d’ailleurs infiniment reproductible.
Bref, partout de l’inversion au sein d’une même structure apparemment conservée, mais intrinsèquement niée dans ses principes et ses exigences.»
(Dominique Folscheid, dans Civilisation et barbarie, réflexions sur le terrorisme contemporain, sous la direction de Jean-François Mattéi, Puf, Paris, novembre 2002, p. 158)