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Constantinople, Enea Silvio Piccolomini, Islam, islamisation
À lire sur Les Observateurs.CH
Chute de Constantinople, le 29 mai 1453. Héritier de l’Empire romain et traditionnel rempart à l’expansion musulmane en Orient, l’Empire byzantin n’est plus, et laisse l’Europe seule face au monde musulman. Les autorités byzantines ont été abandonnées par les princes européens. La plupart des souverains d’Europe occidentale s’investissaient alors dans d’autres missions que celles d’endiguer le flot ottoman. Les Français et les Anglais étaient trop engagés dans les derniers combats de la guerre de Cent Ans. Charles VII est trop occupé à restaurer la puissance française tandis que Frédéric III de Habsbourg cherche avant tout à obtenir la couronne impériale à Rome.
L’adage scolastique « Omnes determinatio est negatio (toute détermination est négation) » signifie, en termes politiques, que seule une menace militaire extérieure peut unifier des peuples. Enea Silvio Piccolomini, futur pape Pie II, fut un des premier à appeler les nations européennes à l’union sacrée face aux Turcs. Enea Silvio Piccolomini était alors au service de l’empereur Frédéric III de Hasbourg. Dans ses correspondances avec les plus grands esprits de son époque, il ne se contente pas d’analyser la chute de Constantinople et la menace islamique sur l’Europe : il invoque une communauté européenne de valeurs culturelles, qui, seule, pourra s’opposer à l’invasion Turque. Effondrement d’une civilisation, Europe divisée face au danger de l’islam, injonction à l’unité européenne : ses lettres sont d’une pertinence telle qu’il est indispensable de les relire aujourd’hui (en allemand : R. Wolkan, Der Briefwechsel des Eneas Silvuis Piccolomini, Vienne, 1918, trad. du latin Y. Hersant).
Son propos passe par un réveil des consciences européennes ; les exactions de Mehmet, le chef envahisseur, sont dépeintes dans des textes roboratifs :
« Une cité illustre, capitale de l’Orient, pilier de la Grèce, siège de l’Empire et du grand patriarche, s’est effondrée et gît à terre ; les enseignes du Christ sauveur ont été détruites, les lieux qui lui sont consacrés accueillent totues les débauches ; son nom est constamment blasphémé, les reliques des saints sont jetées en pâture aux chiens et aux porcs ; et rien ne tire les chrétiens de leur sommeil ! » (Graz, 25 septembre 1453)
« À quoi bon raconter les massacres perpétrés dans la ville impériale, les vierges prostituées, les éphèbes pris comme l’autre sexe, les religieuses violées, les moines et les femmes indistinctement livrés au stupre ? L’esprit répugne à évoquer ces forfaits inouïs et sans précédent ; si j’en parle, c’est pour nous faire honte, à nous qui pouvons tolérer pareilles horreurs. » (Graz, 25 septembre 1453)
Que de rapprochements possibles avec ce que nous voyons de l’État islamique. Nous restons en effet bien silencieux, nous aussi, face aux vidéos inouïes que les djihadistes deversent sur nos réseaux, à la vue et au sus de tous ; nul ne peut, aujourd’hui, garder le silence ! Exactement ce qui provoque l’ire de notre auteur, en son temps :
« Dans quelques mois, quand la fièvre sera retombée, personne ne pipera mot. Nous passerons cette affaire sous silence, nous nous dresserons de toutes nos forces les uns contre les autres, jusqu’à ce qu’un messager vienne confirmer que le Turc a débarqué en Italie… » (Graz, 25 septembre 1453)
Aussi n’y a-t-il que l’union sacrée des européens pour sauver l’Europe face à la menace :
« Ce que l’empereur peut faire seul est bien peu, si les princes chrétiens ne se mettent d’accord et n’unissent leurs forces pour repousser pour repousser loin de nos frontières ce féroce ennemi (…) j’augure mal de la cause chrétienne si l’élan ennemi ne se brise sur l’entente unanime des chrétiens. (…) Or, à considérer l’indolence de nos princes et les inimités qui séparent nos peuples, je crois entrevoir notre extermination. » (Graz, 25 septembre 1453)
Il faudra attendre le roi de Bohème George Podiébrad, quelque 10 ans après (en 1462), pour invoquer une ambitieuse universitas, ou respublica christiana, afin de faire face à la menace Turque, en proposant d’abord une paix entre les princes, une paix civile sur les territoires européen, puis une croisade contre les Turcs (et en allant même jusqu’à proposer une monnaie unique en circulation pour les soldats européens). Il faut croire que les Bohémiens sont régulièrement à l’avant-garde de la défense de l’héritage européen, comme un collègue l’écrivait sur Riposte laïque.
L’islamisme ne passera pas face à une Europe unie et consciente du danger. Par contre, si les nations européennes se replient sur elles-mêmes, sur leurs petites prérogatives et leurs vies de plaisirs et de jouissances, qui les dévirilisent et les rendent faibles face au danger, alors elles seront exterminées, comme le prévoyait le futur pape Pie II. Les européens doivent reprendre les armes pour déloger les islamistes (comme le demande le président Tchèque : aller bouter les djihadistes au sol), mais sans oublier les armes psychologiques : franchise, courage, franc-parler, ces armes qui sont les seules à même de défendre une civilisation européenne si exceptionnelle, mais si fragile…
Vivien Hoch, lundi 6 février 2015