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Sur le fondement trinitaire de l’amour de Dieu chez Thomas d’Aquin

27 mercredi Fév 2019

Posted by Vivien Hoch in Philosophie, Religion

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amour, création, exitus-reditus, théologie, Thomas d'Aquin

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Thomas d’Aquin pose que la création de l’Univers est due à l’amour de Dieu – soit à une activité intelligente et volontaire. Elle n’est donc pas une activité nécessaire et « naturelle ». Ici Thomas d’Aquin se démarque des théologiens néo-platoniciens qui posaient que la création est une nécessité de nature pour Dieu.

Pour Thomas d’Aquin, l’explication profonde de la création se trouve au-dessus de la métaphysique, dans la procession des personnes Trinitaires et les actes totalement libres qui sont posés par Dieu. Il est impossible de comprendre la création selon Thomas d’Aquin sans faire référence à sa raison d’être, qui est de manifester l’amour de Dieu trinitaire. Il y a une constance sur ce point dans toute l’œuvre de l’Aquinate. « C’est de la procession des Personnes divines distinctes qu’est causée toute procession et multiplication des créatures », écrit le jeune Thomas dans Le Commentaire des Sentences[1]. Le prologue de ce même commentaire l’annonçait déjà :

« l’origine temporelle des créatures est dérivée de l’origine éternelle des Personnes… de même que le canal sort du lit du fleuve, ainsi la créature sort de Dieu à partir de l’essence, dans laquelle est contenue comme dans le lit d’un fleuve le flux des Personnes »[2].

Le Commentaire sur saint Jean, œuvre de maturité, en fonde la raison dans la procession même des personnes :

« Les personnes divines, en raison de leur procession même, ont une causalité touchant la création des choses. » [3].

La Trinité est la clef de voute du mouvement d’exitus-reditus entre la création et la rédemption. Elle explique pourquoi ces dernières sont  des activités liées à l’amour que Dieu a pour lui-même, et qui est le même que celui par lequel il aime la création. Ce texte de la Somme de théologie est éclairant. S’il n’y a pas de nécessité de nature à créer, comme nous l’avons vu plus haut, c’est qu’il y a quelque principe. Ce principe, c’est l’amour que Dieu porte à sa propre bonté :

« La connaissance des Personnes divines était nécessaire pour nous à un double titre. Le premier était de nous faire penser juste au sujet de la création des choses. En effet, affirmer que Dieu a tout fait par son Verbe, c’est rejeter l’erreur selon laquelle Dieu a produit les choses par nécessité de nature ; et poser en lui la procession de l’amour, c’est montrer que si Dieu a produit des créatures, ce n’est pas qu’il en eût besoin, ni pour une autre cause extérieure à lui : c’est par amour de sa bonté »[4]

Ce texte confirme d’une part que Dieu ne créé pas par « nécessité de nature » – il se pose donc contre la version néoplatonicienne, et d’autre par que c’est pour une raison intra-Trinitaire :  il n’y a que la révélation de la Trinité qui peut nous livrer un Dieu aimant et nous délivrer de la fonction démiurgique de la métaphysique néo-platonicienne. Explorons plus en détail la ratio amoris Trinitaire de la création et du salut.

Dieu est indubitablement la cause directe de la création, celle qui maintient toute chose dans l’existence, la présence intime à tous les êtres, l’architecte de l’ordre et des convenances, le bien suprême qui les attire tous à lui, et le modèle paradigmatique de toute chose. Mais la philosophie reste impuissante à dire pourquoi, et à expliquer que tout ne s’active que par amour. La philosophie est muette sur la possibilité de dire le statut de l’amour dans la création. Elle est même aporétique : la notion de bien est prise dans une contradiction métaphysique entre le bien comme « ce qui se diffuse » (Pseudo-Denys) et le bien comme « ce qui attire » (Aristote). La création du monde peut s’expliquer par le concept d’un « bien qui se diffuse » et la rédemption par « ce qui attire ». Rien, cependant, dans la stricte philosophie, ne permet de remonter au Dieu biblique, personnel et aimant, qui créé par une décision libre et réfléchie, et qui sauve par amour. On resterait dans la critique formulée par les théologiens envers Thomas d’Aquin, qui serait resté dans une théologie cadre, voire dans une ontothéologie, et aurait manqué la constante présence personnelle de Dieu aux hommes et à leur histoire.

Toute la finesse de Thomas d’Aquin est d’avoir indubitablement mêlé création et salut, afin que les notions métaphysiques soient subalternées à la science de Dieu, révélée et partagée par la grâce.  « Thomas ne peut parler de création sans montrer les trois Personnes à l’œuvre », relève Jean-Pierre Torrell[5]. De même qu’il est impossible de résoudre la problématique de « ce qui pousse Dieu à agir » sans plonger à l’intérieur des traités sur Dieu, il est impossible de donner une vision exhaustive du statut de l’amour dans la théologie thomasienne de la création sans le recours aux processions trinitaires. Ni la création de l’univers par l’amour de Dieu, ni le retour de la création par amour de Dieu ne peuvent se comprendre sans un recours appuyés au De Deo uno et, surtout, au De Deo Trine.

Cette « structure amoureuse » de l’univers thomasien, à savoir sa provenance, son dynamisme et sa fin, ne s’explique, au fond, que par la Procession même des personnes divines.

Vivien Hoch, décembre 2018


[1] Super Sent. ; lib. I.dist.26, II.2.2.

[2] Super Sent., lib . 1, prologue

[3] In Ioannem, 16, 28, N° 2163

[4] Ia, qu 32, art. 1, ad. 3

[5] Jean-Pierre Torrell, Initiation II, Cerf, Paris/Fribourg, 1996, p. 372

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Une apologie théologale des principes libéraux, par Vivien Hoch (novembre 2013)

12 mardi Nov 2013

Posted by Vivien Hoch in Philosophie, Religion

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christianisme, Hoch, Itinerarium, libéralisme, liberté, théologie, Une apologie théologale des principes libéraux, vivien, Vivien Hoch

Un article de Vivien Hoch sur Itinerarium 

Dieu veut-il des êtres libres ou des étants soumis ? La réponse à cette question suppose que la différence ontologique (étant/être) redoublée de la différence nature/surnature, trouve dans la différence proprement politique entre collectivisme/libéralisme des points d’appuis, ou au moins des résonnances.

Vivien Hoch

Théologiquement, de la Cause Pemière (Dieu) aux causes secondes (l’être humain en tant que créature douée du libre arbitre), il y a un espace, que la conception chrétienne de création laisse ouvert aux potentialités humaines ; c’est cet espace fondamental qui laisse la porte ouverte au paradigme libéral. Non que le monde humain se réduise à des causes : réduire la vie terrestre de l’homme a un faisceau de causalité serait vulgairement anti-libéral. Bien plus, l’homme a une capacité qui le place largement au-delà du monde créé : celle d’avoit le pouvoir d’être cause de lui-même.

C’est l’idée de causa sui, que Descartes applique à Dieu, mais que saint Thomas d’Aquin applique à l’homme : l’être humain, dit-il, est image de Dieu parce que c’est un être intelligent et volontaire, mais aussi et surtout parce qu’il est « per se potestavium » : il a un pouvoir de lui-même et par lui-même[1] ; un pouvoir si cher aux yeux de Dieu qu’il envoie sa grâce pour restaurer les pleins pouvoirs que l’homme a sur lui-même.

Or ce type d’auto-détermination constitue exactement le principe anthropologique du libéralisme, etsa seule idée directrice. Auto-détermination, qui extirpe par principe l’homme libre de toute chaine de causalité naturelle, surnaturelle, sociale ou économique ; mais également contre l’homme  En régime théologique, comme en régime politique, nous ne sommes pas de simples instruments que Dieu – ou le dieu moderne, l’État – agite comme une marionnette avec les fils de la concupiscence ou de la violence, guidé en cela par des idées universelles et, surtout, idéelles : déconnectées du vécu et de la quotidienneté.

À Pierre Lombard qui voulait réduire la grâce à une irruption de Dieu dans l’homme, mais sans l’homme, Thomas d’Aquin répond que la grâce ne dirige pas l’homme : elle le libère. Et le principe est théologique, voir plus, théologal :

« ce qui est par soi est toujours plus grand que ce qui est par un autre (per se magis est eo quod est per aliud) »[2].

Être par un autre, que se soit par Dieu, par l’État, par autrui, comme contribuable, copain ou ami, est toujours moindre que d’être par soi-même, à l’image de Dieu. Comme Dieu se veut lui-même, il veut des êtres autonomes plutôt que des automates ; c’est pourquoi il gratifie les êtres consistants, originaux et poreux, qui ne se lissent pas dans les conventions sociales et l’ennuyeux cirque des relations mondaines.

Pour dépasser l’idée qui voudrait que l’individualisme est un effet néfaste du libéralisme, il faut rappeler qu’il y a, au fond des doctrines dites « libérales », une conception la societas comme « coexistence aimante » ou comme « entre-soi », à l’envers du déontologisme kantien, et à rebours du « vivre-ensemble ». Puisqu’il n’y a pas l’homme en général, mais des hommes ; et que ces hommes-çi ne répondent pas à des idées pré-programmées d’universalisme, de solidarité désincarnée ou d’idéal régulateur ; la coexistence se fait de manière spontanée, naturelle et par une « discrimination positive » absolument nécessaire à l’entretien d’une certaine amitié.

Autrui, celui avec qui on vit, est d’abord un frère (fraterna) ou un prochain (alicujus), ce qui fonde, en charité, une proximité théologale ; celle-là même que l’on retrouve, à l’état parfait, dans les communautés monastiques ; celle-là même que l’on ne retrouve absolument pas dans les cités contemporaines, où des inconnus sont entassés de force dans des exiguïtés bétonnées, poussés à coexister selon des idées universelles bien éloignées avec un « vivre-ensemble » abscont mais grassement subventionné.

Il n’y a qu’en régime véritablement libéral – une liberté comme principe, non « orientée » par des ficelles collectivistes et enracinée théologalement, qu’on passe de l’individu à la personne, ou de l’homme-esclave à l’homme responsable : celui qui répond de lui-même des interractions qu’il a avec le monde et que le monde, en retour, lui permet enfin d’avoir.


[1] Somme de théologie, prologue de la IIa

[2] Somme de théologie, IIa IIae qu. 23, art. 6, resp.

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