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Blog personnel de Vivien Hoch

~ Philosophie, politique, théologie, articles, chroniques, recherche

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Archives de Catégorie: Philosophie

Philosophie et quotidienneté

14 samedi Mar 2015

Posted by Vivien Hoch in Philosophie

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Calliclès, Gorgias, philosophie, Platon

« […] Aussi doué qu’on soit, si on continue à faire de la philosophie, alors qu’on en a passé l’âge, on devient obligatoirement ignorant de tout ce qu’on doit connaître pour être un homme de bien, un homme bien vu. Pourquoi ? Parce que petit à petit on devient ignorant des lois en vigueur dans sa propre cité, on ne connaît plus les formules dont les hommes doivent se servir pour traiter entre eux et pouvoir conclure des affaires privées et des contrats publics, on n’a plus l’expérience des plaisirs et passions humaines, enfin, pour le dire en un mot, on ne sait plus du tout ce que sont les façons de vivre des hommes. Et s’il arrive qu’on soit impliqué dans une affaire privée ou publique, on s’y rend ridicule […]. »

(Platon, Gorgias, 484c-d.)

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L’Europe silencieuse et divisée face à l’islam

17 mardi Fév 2015

Posted by Vivien Hoch in Éditos, Philosophie, Religion

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Constantinople, Enea Silvio Piccolomini, Islam, islamisation

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À lire sur Les Observateurs.CH 

Chute de Constantinople, le 29 mai 1453. Héritier de l’Empire romain et traditionnel rempart à l’expansion musulmane en Orient, l’Empire byzantin n’est plus, et laisse l’Europe seule face au monde musulman. Les autorités byzantines ont été abandonnées par les princes européens. La plupart des souverains d’Europe occidentale s’investissaient alors dans d’autres missions que celles d’endiguer le flot ottoman. Les Français et les Anglais étaient trop engagés dans les derniers combats de la guerre de Cent Ans. Charles VII est trop occupé à restaurer la puissance française tandis que Frédéric III de Habsbourg cherche avant tout à obtenir la couronne impériale à Rome.

L’adage scolastique « Omnes determinatio est negatio (toute détermination est négation) » signifie, en termes politiques, que seule une menace militaire extérieure peut unifier des peuples. Enea Silvio Piccolomini, futur pape Pie II, fut un des premier à appeler les nations européennes à l’union sacrée face aux Turcs. Enea Silvio Piccolomini était alors au service de l’empereur Frédéric III de Hasbourg. Dans ses correspondances avec les plus grands esprits de son époque, il ne se contente pas d’analyser la chute de Constantinople et la menace islamique sur l’Europe : il invoque une communauté européenne de valeurs culturelles, qui, seule, pourra s’opposer à l’invasion Turque. Effondrement d’une civilisation, Europe divisée face au danger de l’islam, injonction à l’unité européenne : ses lettres sont d’une pertinence telle qu’il est indispensable de les relire aujourd’hui (en allemand : R. Wolkan, Der Briefwechsel des Eneas Silvuis Piccolomini, Vienne, 1918, trad. du latin Y. Hersant).

Son propos passe par un réveil des consciences européennes ; les exactions de Mehmet, le chef envahisseur, sont dépeintes dans des textes roboratifs :

« Une cité illustre, capitale de l’Orient, pilier de la Grèce, siège de l’Empire et du grand patriarche, s’est effondrée et gît à terre ; les enseignes du Christ sauveur ont été détruites, les lieux qui lui sont consacrés accueillent totues les débauches ; son nom est constamment blasphémé, les reliques des saints sont jetées en pâture aux chiens et aux porcs ; et rien ne tire les chrétiens de leur sommeil !  » (Graz, 25 septembre 1453)

« À quoi bon raconter les massacres perpétrés dans la ville impériale, les vierges prostituées, les éphèbes pris comme l’autre sexe, les religieuses violées, les moines et les femmes indistinctement livrés au stupre ? L’esprit répugne à évoquer ces forfaits inouïs et sans précédent ; si j’en parle, c’est pour nous faire honte, à nous qui pouvons tolérer pareilles horreurs. » (Graz, 25 septembre 1453)

Que de rapprochements possibles avec ce que nous voyons de l’État islamique. Nous restons en effet bien silencieux, nous aussi, face aux vidéos inouïes que les djihadistes deversent sur nos réseaux, à la vue et au sus de tous ; nul ne peut, aujourd’hui, garder le silence ! Exactement ce qui provoque l’ire de notre auteur, en son temps :

« Dans quelques mois, quand la fièvre sera retombée, personne ne pipera mot. Nous passerons cette affaire sous silence, nous nous dresserons de toutes nos forces les uns contre les autres, jusqu’à ce qu’un messager vienne confirmer que le Turc a débarqué en Italie… » (Graz, 25 septembre 1453)

Aussi n’y a-t-il que l’union sacrée des européens pour sauver l’Europe face à la menace :

« Ce que l’empereur peut faire seul est bien peu, si les princes chrétiens ne se mettent d’accord et n’unissent leurs forces pour repousser pour repousser loin de nos frontières ce féroce ennemi (…) j’augure mal de la cause chrétienne si l’élan ennemi ne se brise sur l’entente unanime des chrétiens. (…) Or, à considérer l’indolence de nos princes et les inimités qui séparent nos peuples, je crois entrevoir notre extermination. » (Graz, 25 septembre 1453)

Il faudra attendre le roi de Bohème George Podiébrad, quelque 10 ans après (en 1462), pour invoquer une ambitieuse universitas, ou respublica christiana, afin de faire face à la menace Turque, en proposant d’abord une paix entre les princes, une paix civile sur les territoires européen, puis une croisade contre les Turcs (et en allant même jusqu’à proposer une monnaie unique en circulation pour les soldats européens). Il faut croire que les Bohémiens sont régulièrement à l’avant-garde de la défense de l’héritage européen, comme un collègue l’écrivait sur Riposte laïque.

L’islamisme ne passera pas face à une Europe unie et consciente du danger. Par contre, si les nations européennes se replient sur elles-mêmes, sur leurs petites prérogatives et leurs vies de plaisirs et de jouissances, qui les dévirilisent et les rendent faibles face au danger, alors elles seront exterminées, comme le prévoyait le futur pape Pie II. Les européens doivent reprendre les armes pour déloger les islamistes (comme le demande le président Tchèque : aller bouter les djihadistes au sol), mais sans oublier les armes psychologiques : franchise, courage, franc-parler, ces armes qui sont les seules à même de défendre une civilisation européenne si exceptionnelle, mais si fragile…

Vivien Hoch, lundi 6 février 2015

Le monde de la vie face à la barbarie

23 vendredi Jan 2015

Posted by Vivien Hoch in Philosophie

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Hoch, Michel Henry, phénoménologie, Reconquête, vivien

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La philosophie contemporaine est bien justement critiquée pour son caractère opaque et son idéologie de la déconstruction. Mais elle a su aussi, de manière plus discrète, générer en son sein des anticorps conceptuels puissants face au nihilisme, notamment celui qui détruit la vie, en proposant de nouvelles manière de penser et de défendre ce qu’on peut appeler le « monde de la vie », cette manière d’être au monde qui échappe aux logiques marchandes, étatiques, médiatiques, qui s’avèrent être, au fond, mortelles…

Le « monde de la vie » face au positivisme scientifique

La phénoménologie allemande a développé un concept très intéressant pour délimiter la sphère immanente de la vie : la « Lebenswelt », en Français : le « Monde de la vie». Ce concept est inventé par Edmund Husserl, le fondateur de la phénoménologie, dans la Crise des sciences européennes, écrit entre 1934 et 1937, dans un contexte de crise croissante entre la philosophie et le positivisme scientifique, qui s’imposait alors comme la seule source de vérité. On trouve les développements les plus explicite du « Monde de la vie » dans ses papiers qui ont été publiés en Français sous le titre « L’Arche originaire, la terre ne se meut pas » (trad. fr. Didier Franck, éd. de Minuit, Paris, 1989). L’expression provocante de « la terre ne se meut pas » veut dire qu’il y a deux manières de vivre le monde : l’une, selon la science et la rationalité scientifique, qui explique que la terre est ronde et qu’elle tourne, l’autre, selon la vie : alors nous réduisons le savoir objectif à la subjectivité d’un vécu ; de ce que je vois, la terre est plate, le monde ne tourne pas.

Au-delà du caractère un peu provocant, il faut bien repérer dans quel contexte Husserl écrivait : le positivisme scientifique et son « progrès », souvent allié objectif, d’ailleurs, du matérialisme dialectique des marxistes, il s’agit pour le phénoménologue de délimiter un champ d’expérience qui échappe à la toute-puissance et à l’omniprésence de la science dans toutes les sphères de l’activité humaine ; ce champ d’expérience est bien proprement nommé « monde de la vie », parce qu’il désigne, en-deçà du savoir objectif et scientifique, une manière d’être, un vécu, qui échappe à la rationalisation à outrance du monde et de la vie ; celle-là même qui, par exemple, au lieu de comprendre un embryon comme le vécu charnel de la vie, le réduit à un « amas de cellule ».

La vie face à la barbarie

Cette tentative de laisser la vie en dehors du monde technique et scientifique de la ouvert des voies de développement considérables pour les philosophies inspirées par la phénoménologique. On peut penser, évidemment, à Jean-Paul II, lui phénoménologue « pratiquant », qui a forgé le concept d’ « écologie humaine » en méditant les textes de Husserl et de Max Scheler sur le monde de la vie[1]. Méditations qui ont pu aboutir à un développement théologique des thématiques du monde de la vie ; ainsi l’affirmation suivante, issue de la lettre aux familles, « Le rationalisme moderne ne supporte pas le mystère. »[2], peut-elle être comprise comme un prolongement théologique de la thématique du monde de la vie chez les phénoménologues.

De manière plus radicale encore, Michel Henry a développé ces dernières années une réflexion sur l’opposition radicale entre la Vie (en majuscule, chez lui) et ce qu’il appelle la « barbarie ». Ce phénoménologue catholique, décédé en 2002, a replacé la question de la Vie au cœur de la culture, de la civilisation et même de la théologie. Tout au long de son œuvre, Michel Henry a développé une véritable phénoménologie de la vie (Michel Henry a écrit quatre volumes sur ce thème[3]), qui s’oppose à celle du monde : « Selon la phénoménologie de la vie, il existe deux modes fondamentaux et irréductibles d’apparaître : celui du monde, celui de la vie. »[4]. Et celle du « monde», comme chez Husserl, relève du positivisme scientifique, de la « géométrisation » de l’univers et, in fine, de l’oubli de la dimension fondamentale de la vie…

Aujourd’hui, la Vie est étouffée par ce qu’il appelle la barbarie. Son ouvrage (à succès) de 1987 intitulé La barbarie, s’ouvre sur ce constat tragique : « Nous entrons dans la barbarie ». Ce n’est évidemment pas la première fois que l’humanité plonge dans les ténèbres, écrit-il, mais ce déclin-là « apparaît comme global »[5]. La barbarie, écrit Joseph de Maistre, cité par Michel Henry, est une ruine, non un rudiment[6]. Ce qui veut dire que la barbarie est toujours seconde par rapport à la culture : elle n’est que dégénérescence de ce qui est déjà là. S’ouvre alors une période de nihilisme, dont on ne sait si on en sortira un jour. Ce nihilisme, c’est celui qui tend à « oublier » la vie, qui la met hors-jeu, en dehors des préoccupations objectivistes, idéologiques ou économiques. De même que l’embryon n’est qu’un « amas de cellules » aux yeux de la logique scientifique, le travailleur n’est qu’une « force productive » pour la logique économique et le citoyen n’est qu’un « commis de l’État » pour la logique socialiste. On observe alors que cette réduction de la Vie à des logiques qui ne sont pas les siennes est une autodestruction. « Un mode de vie qui se tourne ainsi contre la vie, c’est-à-dire contre soi-même, c’est une contradiction. »[7], écrit Michel Henry.

Le déchainement nihiliste contre la vie, aujourd’hui.

Cette logique réductionniste est plus que jamais présente dans les formes contemporaines de la culture. Si «  la vie est la source exclusive de la culture sous toutes ses formes »[8], alors la destruction de la vie est corrélative à celle de la culture. «  Depuis le diagnostic de La barbarie, écrit Michel Henry dans la préface du livre éponyme en octobre 2000, les phénomènes de l’autodestruction ont connu une intensification démentielle. Elle n’est pas seulement visible dans les rues. L’acharnement nihiliste contre toute valeur, l’apologie de tout ce qui est contre nature, c’est-à-dire contre la vie, l’exprime plus encore. »[9]. Qu’un universitaire de renommée nationale puisse évoquer l’expression « contra-nature » sans faire l’objet d’une fatwa, sinon médiatique (les médias ne s’intéressent pas à la vraie philosophie), même par ses collègues, est déjà un exploit.

Mais qu’en est-il, depuis lors ? C’est le règne de l’apparence, de l’obnubilation du visible qui détruit la Vie invisible. On peut constater la quintessence de cette destruction dans les médias : « Après l’objectivisme unilatéral de la science, s’impose celui des médias qui arrache l’homme à lui-même, produisant à chaque instant le contenu venu occuper son esprit, autorisant une manipulation idéologique sans précédent, sans limite, interdisant toute pensée libre – toute « démocratie » -, condamnant toute relation personnelle réduite à des manifestations extérieures, l’amour par exemple à l’agitation objective des corps, à des photos. »[10]. Le média mainstream, celui qui produit un flux permanent d’images, de discours, est par essence un vecteur de mort : il étouffe la Vie sous les apparences, sous l’artificiel, sous le contingent.

Comment sortir de ce nihilisme, de cette destruction, de cette culture de mort ? En engageant une grande ré-évaluation des valeurs. Faire de la vie une « valeur » est d’emblée douteux. La phénoménologie nous apprend que la vie n’est pas une valeur. La valeur, c’est « ce qui est l’objet d’une évaluation ». Puisqu’elle est soumise à évaluation, elle peut se dévaluer, selon les humeurs du moment. Alors que, comme le répète à satiété Michel Henry, « tout a valeur parce que tout est fait par la vie et pour elle »[11]. Il faut respecter l’essence de la vie : la replacer la vie, non plus comme une valeur à défendre, non plus comme un point de programme électoral parmi d’autres, mais comme la source fondamentale de toute culture, de toute civilisation, de toute philosophie.

Vivien Hoch, 2015


Pour aller plus loin

 – Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004

– Michel Henry, Incarnation, Seuil, Paris, 2000

– Edmund Husserl, La Terre ne se meut pas, Minuit, collection « Philosophie », Paris, 1989

– Georges Canguilhem, La Connaissance de la vie, Paris, Vrin, 1975,

– Renaud Barbaras, Introduction à une phénoménologie de la vie, VRIN, Paris, 2008

– Alphonse de Waelhens, « Phénoménologie et réalisme », dans la Revue néo-scolastique de philosophie. 39° année, deuxième série, N°52, 1936. pp. 497-517.

– Jean Reaidy : Michel Henry, la passion de naître : méditations phénoménologiques sur la naissance, Paris, L’Harmattan, 2009

– Frédéric Seyler, Barbarie ou Culture : L’éthique de l’affectivité dans la phénoménologie de Michel Henry, Paris, éditions Kimé, Collection « Philosophie en cours », 2010


[1] Sur la formation phénoménologique de Karol Wojtyla et sa critique de la rationalité moderne, se reporter à Philippe Portier, La pensée de Jean-Paul II.: La critique du monde moderne, Atelier, 2006

[2] SS. Jean Paul II, Lettre aux famille, 1994, 19

[3] Vous pouvez les trouver aux éditions PUF, collection « Epiméthée », publiés entre 2003 et 2004

[4] Michel Henry, Incarnation, op. cit. p. 137

[5] Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004, p. 7

[6] Cité par Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004, p. 13

[7] Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004, p. 115

[8] Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004, p. 2

[9] Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004, p. 6

[10] Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004, p. 6

[11] Michel Henry, La Barbarie, PUF, Quadrige, 2e édition, Paris, 2004, p. 3

L’ecopopulation, ou comment retrouver le sens du « chez-soi »

15 samedi Nov 2014

Posted by Vivien Hoch in Philosophie, Politique

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ecologie, Ecologie des populations, ecologie humaine, Ecopop, philosophie, Vivien Hoch

VivienHochEcopop

De Vivien Hoch, sur Les Observateurs

L’initiative suisse baptisée « Ecopop » est extrêmement intéressante pour nous, français. D’une part parce que nous nous considérons comme bien plus affectés par les remous de l’immigration massive qu’en Suisse (à tel point qu’on utilise désormais le concept de « grand remplacement ») ; d’autre part parce que ce concept fait référence à l’expression « écologie humaine » (de S.S Jean-Paul II), qui est devenue un slogan et un mouvement à part entière à la suite des grandes manifestations contre la loi Taubira, qui a institué le Mariage pour tous.

On se retrouve là face aux deux grands défis de nos sociétés Occidentales – et en cela, cette initiative suisse intéresse tout européen : celui du remplacement de population par l’immigration massive, et celui, corrélatif, du remplacement d’une certaine éthique de civilisation qui a pu caractériser l’Occident chrétien. Il s’agit pour nous de déceler en quoi le remplacement de population et le remplacement de civilisation sont corrélatifs, et comment lutter contre ce que d’aucuns ont pu appeler un « génocide » (Bernard Antony) ou encore un « suicide » (Eric Zemmour), pour qualifier ce qui se passe en France.

L’idée d’une « écologie des populations » vise à lutter contre ce double danger. « Eco » vient du grec οἶκος, oîkos (la « maison »). L’éco-logie est donc la science ou la logique de l’habitation. L’éco-population désigne donc la « maison de la population ». De même que l’économie, (οἰκονομία, oikonomía) désigne la « gestion de la maison ». Rien de plus écologique et économique, donc, qu’une « écologie des populations ».

On ne saurait résister au double déracinement de l’immigration massive et du basculement de civilisations sans comprendre et exploiter cette référence à la « maison », à l’habitation et au concept fondamental du « chez-soi ». Le chez-soi, c’est le lieu où l’on vit, où l’on mange, où l’on dort. C’est un lieu que nous connaissons, et, surtout, que nous reconnaissons. La déconstruction des normes morales, dans laquelle l’européen se reconnait, fait qu’il ne peut plus être « chez-soi », chez lui : il ne s’y reconnait plus. De même que l’importation de nouvelles normes, de nouvelles religions et de nouvelles modalités de vivre, à cause de l’immigration, nous fait perdre le sens du « chez-soi ».

Voilà pourquoi il faut entreprendre une grande action sur le ré-enracinement. L’enracinement, écrivait la grande philosophe Simone Weil, est « le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » (L’enracinement, Gallimard, Paris, 1943). Le philosophe Jan Patockà a définit l’homme Européen comme « celui qui a le souci de son âme » (Platon et l’Europe) : l’âme est effectivement ce qui nous est le plus intime, là où nous sommes le plus enraciné, et là où l’on est le plus « chez-soi ».

L’écopopulation est cette manière intelligente de dire deux choses : nous sommes chez nous, et notre pays a une âme. Donc nous avons le droit de nous soucier de l’âme de notre pays. Un pays qui a une âme, a une conscience et une mémoire : il est une patrie, c’est-à-dire la terre des pères. La grande phénoménologie du XXe siècle a pu ainsi avoir conscience de ce lieu fondamental qu’est la patrie : « Toute chose essentielle et grande a pu seulement naître du fait que l’homme avait une patrie (Heimat), et qu’il était enraciné dans une tradition », écrit le philosophe Martin Heidegger (réponses et questions sur l’histoire et la politique, Paris, Mercure de France, 1977, p.68). Patrie, tradition, enracinement, exactement ce que l’on veut nous enlever, et donc exactement ce sur quoi il faut insister, pour résister…

Vivien Hoch, 12 novembre 2014

Philosophies

26 dimanche Oct 2014

Posted by Vivien Hoch in Philosophie

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Hoch, Modérément moderne, philosophie, Rémi Brague, vivien, Vivien Hoch

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Vivien Hoch (droite), Rémi Brague (gauche)

Utopie, mondialisation et libéralisme

20 lundi Oct 2014

Posted by Vivien Hoch in Éditos, Philosophie, Politique

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communisme, libéralisme, mondialisation, socialisme, utopie, vivien, Vivien Hoch

Édito de Vivien Hoch sur Les 4 Vérités 

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« Avant, les évènements qui se déroulaient dans le monde n’étaient pas liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendants les uns des autres. ».

Polybe, IIe siècle avant J.-C. (!).

1° La mondialisation est d’abord une utopie, et de surcroît, une utopie communiste.

C’est l’Internationale communiste, évidemment, qui veut accroître le régime socialiste à l’ensemble du monde. D’autre part, c’est une utopie cosmopolite. L’utopie, c’est, en grec, οὐ-τοπος (ou-topos), à savoir « le sans lieu ». « Sans-lieu », c’est-à-dire sans terre, c’est-à-dire apatride. Àpatride, non pas parce que la vraie patrie est au Ciel, mais parce que la vraie patrie est à venir. Et c’est justement le « mondialisme » qui a pour mission de faire advenir ce grand soir.

2° Par ses origines communistes et son caractère totalement inconcret, la mondialisation est profondément anti-libérale.

L’édito de Guillaume de Thieulloy dans le dernier numéro des 4 Vérités montre à quel point le FMI, souvent taxé de « fer de lance de l’ultra-libéralisme », est en fait une gigantesque structure étatique et socialiste à l’échelle planétaire.

Or rien ne s’oppose plus à un concept de libéralisme bien compris que ce gigantesque état qui règlemente et enserre les populations dans les serres de fonctionnaires apatrides.

Le fonctionnaire appatride, il n’y en a pas qu’au FMI ou dans les grandes banques. Il y en a chez nous, dans l’état socialiste : ces personnes qui accordent des HLM aux immigrés, ces personnes qui pondent des lois antifrançaises, qui augmentent l’AME (Aide Médicale d’État) en réduisant drastiquement le budget de la Défense, entre autres exemples.

Il est appatride, parce qu’au fond, il est profondément socialiste : la société humaine en général prime sur l’individu ; la mondialisation, ainsi entammée, n’est alors pas une libéralisation à outrance, mais bien plutôt l’instauration d’un fonctionnariat mondial, étape finale et eschaton du socialisme.

3° Il n’y a pas une, mais des mondialisations.

L’axe Moscou-Pekin développe indéniablement une forme différente de mondialisation que l’axe Washington-Bruxelles.

On réduit bien trop souvent l’ensemble de ces différences à un même principe, décrit comme une « libéralisation de l’économie », co-ajaccente à une « libéralisation des mœurs ».

Le modèle économique russe, par exemple, est original : il est semi ouvert, semi fermé. Il y a une certaine verticalité du pouvoir, et il garde le contrôle sur les secteurs clefs, notamment dans le domaine énergétique.

 ***

Au fond, la mondialisation prend l’homme en étau dans une double injonction : « sois toi-même ! », c’est-à-dire affirme tes différences, tes désirs, ta singularité, et « sois Homme », c’est-à-dire participe pleinement des valeurs dites universelles de l’ « humanisme ». D’où ce paradoxe proprement gauchiste qui chérie les différences tout en oeuvrant au maximum pour niveler les identités dans un « fourre-tout multiculturel ».

La seule manière de s’en sortir, c’est de remettre l’État à sa place. Si on remet l’État à sa place on frène la grangrenne socialiste. La société en position de servante de la personne plutôt que la personne comme servante de la société.

Repenser l’articulation entre le local (oikos, la maison) et le global (kosmos) constitue désormais une tâche urgente qu’aucun anathème : « libéral-libertaire ! » ne peut plus décrire, et résorber.

Le visible et l’invisible comme philosophie première, par Vivien Hoch

18 jeudi Sep 2014

Posted by Vivien Hoch in Philosophie

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Hoch, Merleau-Ponty, phénoménologie, vivien, Vivien Hoch

L'il y a chez Merleau-Ponty,  Par Vivien Hoch

L’il y a chez Merleau-Ponty,
Par Vivien Hoch

La Question phénoménologique est celle des rapports de la conscience et du monde. Elle ne saurait cependant appeler trop hâtivement un quelconque principe de réponse, ni même constituer une tentative de produire un quelconque répondème qui puisse combler cette Question – elle est de facto une tâche qu’il faut toujours ré-entreprendre ; rien ne nous attends derrière les questions, elles « n’appellent pas l’exhibition de quelque chose dite qui y mettrait fin »[1]. La phénoménologie n’est que le développement de cette Question, son maintient jusqu’à sa déprise dans les obscurités dont elle s’enveloppe lorsqu’elle atteint enfin les premières esquisses du monde et de la conscience dans leur lieu commun originaire. C’est en ce lieu qu’échoue la Question phénoménologique et ses questionnements inhérents, c’est de ce lieu qu’elle se trouve être ce pour quoi elle est survenue – car il n’est pas question de répondre seulement aux questions (que suis-je ?, qui suis-je ? pourquoi suis-je ?), mais de répondre de la provenance de ces questions. D’où l’attention à la forme du questionnement, car « la manière de questionner prescrit un certain type de réponse, et la fixer dès maintenant serait décider de notre solution »[2]. Ainsi la philosophie ne procède pas d’une pensée qui se développe de manière simplement positive, savoir chercher des réponses, par exemple, ni de manière négative, comme le ferait une dialectique phénoménologique ou existentialiste. La Question développe avec elle son type de questionnement, elle se cherche elle-même dans l’origine des questions qu’elle produit. Aussi,

« « Que sais-je ? », c’est non seulement « qu’est-ce que savoir ? », et non seulement « qui suis-je ? » mais finalement « qu’y a-t-il ? », et même : « qu’est-ce que le il y a » »[3].

Toutes les questions dites « régionales » sont renvoyées au Même d’un originaire arrière-fond ou arrière-plan, à l’Être-souche, l’Être Stamm und Klotz, en pré-repos. L’exploration de ce lieu originaire, où non pas les choses sont posés affirmativement, mais là où les choses sont, là où il y a les choses, requiert de s’interroger sur ce que c’est pour les choses et pour nous d’être « dans » ce il y a. S’y tenir, c’est ce que nous faisons naturellement, tous les jours, dès le réveil, c’est au cœur de l’il y a que nous sommes. C’est une certaine foi perceptive qui nous assure une subsistance au sein de l’il y a, parce qu’elle nous permet de vivre dans une certaine naïveté, dans une certaine familiarité avec les choses, dans une attitude naturelle tranquille parce qu’ignorante des soucis du phénoménologue, qui voit et qui manipule sans s’interroger sur le voir ou sur l’être de l’outil manipulé. Mais dans un autre sens, la foi perceptive est Urglaube, contact sauvage avec le monde, rapport permanent avec l’étrangeté et avec l’opacité des choses qui ne correspondent jamais exactement à ce que l’on dit d’elles ou à ce qu’on veut leur faire dire dans l’expérimentation scientifique, et qui se refusent à se laisser cerner par l’eidos, à se laisser approcher dans ce qu’elles sont en elles-mêmes, qui sont dans une perpétuelle fuite vers l’invisible[4], vers l’opaque, et non pas vers le non-sens, mais vers une sorte d’archi-sens d’où émergent tous les sens.

Entre ces deux variations de la doxa originaire, il y a le problème du monde : d’un monde à la fois familier, ininterrogé ou difficilement interrogeable parce qu’il faut se déprendre de cette familiarité, et d’autre part d’un monde étrange et obscur, qui appelle à être exprimé, qui cherche son expression en nous. C’est pourquoi « le monde est ce que nous voyons », mais qu’« il faut pourtant apprendre à le voir »[5].

Pour éduquer notre regard, Merleau-Ponty cherche à activer un authentique rapport avec le monde – le véritable Ur-Typus des Relativen des husserliens. Cet  « authentique rapport » se présente comme rapport premier : « premier » parce que précédant toutes les sédimentations que nous lui fait subir la conscience constituante ; « premier » parce qu’irréfléchi, mais aussi parce que résistant à la dialectique, à la science, à l’eidétique, à la coïncidence : « premier » parce qu’originaire, c’est-à-dire précédant tout le reste. Aussi, une philosophie du rapport premier, c’est une philosophie première.

L’originalité irréductible de Merleau-Ponty consiste en ce qu’il a compris cette philosophie première du rapport premier comme une exploration. L’exploration de cet arrière fond mouvant et équivoque revient donc à la phénoménologie comme philosophie première telle que Merleau-Ponty la comprend : une phénoménologie exploratrice pour des phénoménologues explorateurs capables d’avancer à tâtons dans des milieux inconnus, et non pour des phénoménologues conquérants, qui cherchent à « élaborer ça et là ne serait-ce qu’un minuscule terrain ferme dans le marais de l’obscurité invincible, sur lequel on puisse tenir vraiment debout, dans l’évidence précisément de cette situation droite »[6]. Dégager un lieu inflexible ou gagner la flexibilité ontologique première, voilà l’alternative. La différence d’approche n’est pas seulement inflexion ou rupture, ni même antithétique, mais elle est métaphysique. En d’autres termes, la différence ne ressort pas d’une épistémè, mais d’un impensé radical. L’impensé est toujours premier dans toute recherche, et c’est ce premier qui est l’origine de la recherche Merleau-Pontienne. Il le dit lui-même : « une pensée n’est pas des idées, c’est circonscription d’un impensé »[7]. Or tous les impensés ont à voir avec une certaine conception de l’il y a ; toute Weltanschauungsphilosophie se définit par sa position vis-à-vis de ce qui est. L’impensé, disait Heidegger – c’est son concept -, a à voir avec la manière dont l’Es gibt se donne et se voile dans une philosophie. Si Merleau-Ponty conteste toute possibilité de fondation ultime de la philosophie sur un point fixe et univoque, sur une origine, c’est parce que sa conception de l’il y a premier est justement mouvante et équivoque : « L’originaire éclate, et la philosophie doit accompagner cet éclatement, cette non-coïncidence, cette différenciation. »[8]. Éclatement et non-coïncidence qui empêche bien évidemment le penseur de chercher une ἀρχή originelle. Merleau-Ponty cherche non l’origine, mais l’originaire. Par là il recouvre la possibilité d’une origine fixe. Sa philosophie est exploration parce qu’elle ne se sent plus à l’aise dans les cadres philosophiques classiques : elle cherche d’autres chemins, d’autres horizons, elle s’exile du philosopher classique. Pour ce faire, elle remet en doute l’impensé même du philosopher classique, savoir sa recherche d’évidence et de stabilité, et s’engage – tout comme Bergson – dans la recherche de l’inévidence et du mouvant.

C’est alors indubitable : la philosophie première de Merleau-Ponty, c’est celle du premier explorateur (bien qu’il n’y ai que des premiers dans ce domaine), c’est-à-dire de celui qui s’exile vers une nouveauté radicale, peut-être vers les origines de sa civilisation, mais surtout vers un inconnu et un invisible. C’est alors une exploration sans cartographie préétablie, exactement dans la situation des découvreurs de nouveaux continents. La cartographie, il faut le comprendre, ressemble beaucoup trop au « squelette » eidético-ontologique des husserliens durs[9], qui prétendent ou plutôt postulent que le λόγος est une structure formelle vide, ou que Dieu est mathématicien, comme Galilée, car cela est la même chose. Le premier explorateur, c’est celui qui abandonne sa place de point zéro de l’univers, qui se refuse à être kosmotheoros et à surplomber l’être. C’est celui qui se (ré-)engage dans le temps et dans l’espace, dans une exploration à tâtons, une progression dans l’invisible, guidé par sa seule vision. Le mouvement de pensée de ce qu’il nous reste du Visible et l’invisible montre bien cette exploration d’un domaine sauvage encore inexploré : il cherche à déboussoler et à se déboussoler, en écartant les différentes erreurs (les philosophies de la réflexion, la Gestaltpsychologie, les dialectiques hégéliennes et sartriennes, la phénoménologie eidétique de Husserl, l’intuitionnisme bergsonien) comme autant de branches  qui obstruent son chemin, un chemin dont personne ne sait où il mène.  Il est bien vrai que « Husserl est un peu comme Moïse qui a vu la terre promise sans en fouler le sol et sans doute sera-ce le cas de tout membre du “peuple phénoménologique” »[10] ; si par un mystérieux μοιρολατρία, les phénoménologues doivent abandonner leurs rêves et rester au seuil de ce royaume des « Mères de la Connaissance » que nul n’a encore foulé[11], c’est qu’ils n’ont pas eut le courage d’abandonner totalement leurs prétentions d’être des kosmotheoros. Le premier qui a eut ce courage, c’est Merleau-Ponty, non pas dans l’optique « d’un vœu de pauvreté en matière de connaissance » (les conférences de Paris des Méditations cartésiennes de Husserl), mais dans la manière même d’engager en explorateur dans l’origine connaître et de se refuser à être un « connaissant » pur et simple ; en d’autres termes : d’accepter le fait de se lier et d’être soi-même partie prenante du connu et de l’inconnu, d’accepter de se perdre dans le monde comme les explorateurs de forêts vierges qui en viennent à se demander, après des journées d’errance : « où suis-je ? », « quelle heure est-il ? ».

Le phénoménologue merleau-pontien (même si l’expression manque de préséance) est donc un explorateur sans cartes et qui se place à égal niveau de ce qu’il découvre, sans la posture supérieure que prennent les découvreurs de nouvelles peuplades. Par là, la philosophie de Merleau-Ponty est une manière d’atteindre l’en-commun originaire de toutes les cultures et de toutes les civilisations, ce « lieu » en-deçà de toutes cultures, et donc « avant » les sédimentations de la culture. En premier, ce que restituent la diversité des mythes, se figure être une inconnaissance partagée et mutuelle. Si « notre première vérité – celle qui ne préjuge rien et qui ne peut être contestée -, sera qu’il y a présence, que quelque chose est là. »[12], il est évident qu’elle est partagée partout et par tous : pour tous : il y a, monde, être, corps, quelles que soient les conceptions que l’on s’en fait.

Nous avons évoqué l’idée de « lieu originaire » et de « royaume commun » ; aussi, sans faire de cartographie, peut-on au moins faire une géographie de l’être ? Le problème du monde, consiste justement en ce que sa géographie n’est pas autonome – γεωγραφία est « écriture (γραφειν) du monde (η γη) » ; or l’écriture et le fait même d’écrire, sont historiques. La Terre s’écrit dans l’histoire, par l’histoire. La géographie ne va pas dans l’histoire, et réciproquement : les explorateurs changent l’histoire, et l’histoire produit ses explorateurs. Leur lien intime est dans l’auto-fondation de l’Ur-historie et de l’Ur-Arche. Dans une note de travail du 1er Juin 1960, qui montre l’évidente lecture du texte sur l’Arche-originaire de la Terre qui ne se meut pas de Husserl[13], Merleau-Ponty écrit qu’

«il ne faut pas opposer à la philosophie de l’histoire [de Sartre], une philosophie de la géographie (…) mais une philosophie de la structure qui, à la vérité, se formera mieux au contact de la géographie qu’au contact de l’histoire. (…) la géographie, – ou plutôt ; la Terre comme Ur-Arche met en évidence l’Urhistorie charnelle. En fait, il s’agit de saisir le nexus, – ni « historique « géographique », – de l’histoire et de la géologie transcendantale, ce même temps qui est espace, ce même espace qui est temps (…) ce qui fait qu’il y a une inscription quasi géographique de l’histoire. »[14].

« Histoire », « géographie », se trouvent être mis en dépendance d’une « géologie transcendantale ». L’expression dévoile tout du projet de Merleau-Ponty : le « Problème fondamental : la sédimentation et la réactivation » (idem). La « sédimentation » ou la « cristallisation » de l’originaire dans un sens, c’est la source de toute science, de toute civilisation, de toute culture et de toute philosophie. La philosophie première est une archi-géologie phénoménologique : un discours phénoménologique sur l’archi-terre.

Enfin, parce que l’outil premier du géologue, c’est la perception – le géologue ne reste pas dans son bureau, il regarde les sédimentations de la terre, il touche les cailloux pour saisir leur rugosité, etc. -cette philosophie première est une exploration perceptive. C’est sur la perception que se fonde l’exploration, c’est elle seule qui nous guide : non pas des cartes, boussoles ou autres gps. De l’exploration de « la perception du monde comme ce qui fonde pour toujours notre idée de la vérité »[15] de la Phénoménologie de la perception à la fameuse première phrase du Visible et Invisible : « le monde est cela que nous percevons », il y a évidemment une constante, un fil directeur qui est celui de la perception ; mais ce n’est pas en vertu d’une nécessité d’essence, comme dans la Krisis, que Merleau-Ponty suit le fil de la perception, mais en vertu d’une volonté nette de proposer une esthésiologie de l’être. Aussi, « il faut traduire en logique perceptive ce que la science et la psychologie positive traitent comme fragments absque praemissis de l’En Soi. »[16]. L’En soi est rappelé non plus au pour soi, mais en-deçà de cette distinction, dans leur vinculum, dans ce qu’ouvre la perception du monde. Aussi le monde s’ouvre à partir de la primauté de la vision ou du contact :

«  Avec la première vision, le premier contact, le premier plaisir, il y a initiation, c’est-à-dire non pas position d’un contenu, mais ouverture d’une dimension qui ne pourra plus être refermée »[17]

La perception ouvre le monde et c’est dans ce qui est ainsi ouvert que s’engouffre alors l’explorateur du monde invisible qui sous-tend le visible, sans qu’il soit question d’en sortir (!)[18]. Aussi le « monde invisible » que l’explorateur merleau-pontien cherche « n’est pas au-dessus du monde sensible, il est au-dessous, ou dans sa profondeur, son épaisseur »[19], dans son « entrelacs », dans son « chiasme », dans sa « chair » même. Le corps voit, touche, sent, goute, le monde et se laisse voir, toucher, sentir, gouter par le monde (voir les nombreuses analyses des phénoménologues sur le corps touchant-touché, depuis les Ideen II jusqu’à J-L Marion). Plus qu’exploration de l’être du milieu de l’être, la perception est l’être, elle partage son anonymat, son silence ; elle ne sort pour ainsi dire jamais de l’il y a, même par le processus des idéalisations : « il n’y a pas de monde intelligible, il y a monde sensible »[20]. L’intelligible et l’invisible sont donc rappelés au monde sensible que nous percevons déjà-toujours ; l’ « enfer » est évité[21], mais le « pays » qu’explore Merleau-Ponty, celui du « λόγος du monde perçu »[22], est sauvage, brut (dans le sens de brutal) parce qu’il ne laisse guère de points d’appuis où se reposer – ne sommes nous pas dans l’être en pré-repos. Aussi, s’il faut abandonner le repos du Ciel des Idées pour pénétrer dans le monde sauvage de la chair ontologique perçue/percevante, l’affaire est extrêmement couteuse. Il faut toute l’audace de l’explorateur, sans toutefois la prétention du conquérant, pour bâtir un tel projet. Il faut toute l’audace de celui qui est premier dans l’ordre de la pensée.

Vivien Hoch


[1] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, Gallimard, tel, 2007, p. 208

[2] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 208

[3] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 169

[4] « Perpétuelle fuite vers l’invisible » alors qu’il est possible de discuter du fait que c’est peut-être le visible en tant que tel

[5] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 18

[6] Edmund Husserl, Lettre à Dorion Cairns du 21 mars 1930, Fribourg

[7] Maurice Merleau-Ponty, Notes de cours sur l’origine de la géométrie, puf, Épiméthée, 1998, p.14

[8] Maurice Merleau-Ponty, Visible et Invisible, p. 163

[9] C’est évidemment (un certain) Husserl qui se propose de bâtir une telle cartographie des rapports de la conscience et du monde, notamment lorsqu’il tente de fonder une eidétique des actes psychiques purs.

[10] Marc Richir, Autant de chantiers ouverts pour l’analyse phénoménologiques (Entretiens), in Le magazine littéraire n°403, Paris, 2001, p. 61

[11] Edmund Husserl, Krisis, § 42 : « Combien nous avons besoin de ne plus nous mouvoir sur le vieux terrain familier du monde, et de nous tenir au contraire grâce à notre réduction transcendantale ne serait-ce qu’à la porte d’entrée de ce royaume des « Mères de la Connaissance » (« Miitter der Erkenntnis ») que nul n’a encore foulé ? »

[12] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 210 – Ce texte est celui d’un fragment intitulé « l’être préobjectif : le monde solipsiste » qui n’eut surement pas été conservé dans la version définitive du Visible et l’invisible (Claude Lefort le place en annexe). Nous noterons que Merleau-Ponty poursuit cette tentative de commencement (un commencement écarté par le philosophe) en annonçant ses priorités : « Avant d’en venir au « quelqu’un », demandons-nous ce que c’est que le « quelque chose » » (ibid.). Par là est écarté toute tentative de commencer par l’altérité comme fondement discursif, ou de bâtir la recherche sur ce déjà-là lourd de sens qu’est autrui. À ce niveau de perplexité devant la présence des choses (l’il y a), autrui est une chose comme une autre.

[13] Voir Edmund Husserl, La Terre ne se meut pas, trad. fr. D. Franck, éd. Minuit, 1989, Paris

[14] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 307, note de travail du 1er juin 1960

[15] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, avant-propos, XI

[16] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 304, note de travail de Mai 1960

[17] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 196

[18] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 197 : « Or, une fois entré dans cet étrange domaine, on ne voit pas comment il pourrait être question d’en sortir »…

[19] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 273

[20] Maurice Merleau-Ponty, Le visible et Invisible, p. 267

[21] En référence aux séminaires du Thor de Heidegger : voir le protocole de la séance du 8 septembre 1968, dans Questions IV, Gallimard, p. 409-410 : « Qu’est-ce qui est essentiel à la perception ? Quelqu’un dit l’aisthesis, et s’attire cette réponse que « avec les grecs l’enfer a déjà commencé précisément avec la distinction d’aisthesis et de noesis » ».

[22] Maurice Merleau-Ponty, exposé de candidature au Collège de France, dans la Revue de métaphysique et de morale, n°4 (1962), p.408

L’univers de mensonge…

06 dimanche Juil 2014

Posted by Vivien Hoch in Éditos, Philosophie, Politique

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« Les dissidents des pays totalitaires l’avaient bien compris : il y avait plus grave, plus barbare que le risque d’être arrêté au petit matin, puis torturé et envoyé au Goulag. C’était de vivre dans un univers de mensonge, où tout était truqué, où l’on n’appelait plus un chat un chat, mais la guerre la paix, le recul économique un « grand bond en avant », etc.

Pire que la condamnation devant un tribunal, il y avait l’obligation d’aveux imaginaires. Pire que l’enfermement dans un camp, une sentence ayant forme légale mais un contenu indéterminé, d’ailleurs infiniment reproductible.

Bref, partout de l’inversion au sein d’une même structure apparemment conservée, mais intrinsèquement niée dans ses principes et ses exigences.»

(Dominique Folscheid, dans Civilisation et barbarie, réflexions sur le terrorisme contemporain, sous la direction de Jean-François Mattéi, Puf, Paris, novembre 2002, p. 158)

Le totalitarisme : pouvoir et savoir sur la mort

28 samedi Juin 2014

Posted by Vivien Hoch in Éditos, Philosophie, Politique

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biopolitique, euthanasie, islamisme, Michel Foucault, pouvoir, savoir, socialisme, totalitarisme, Vincent Lambert, Vivien Hoch

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Nos sociétés jouent avec ce avec quoi on ne doit pas jouer. Toutes les époques ont leurs horreurs. Depuis l’aube de la civilisation, chaque Européen a vu la fin de la du monde civilisé à sa porte. Mais il n’est pas besoin de dire que c’était mieux avant : c’était surtout différent. Et la principale différence, c’est que le pouvoir (pas seulement politique), n’a jamais eu autant d’emprise sur la vie… et sur la mort. 

De fait, il est intéressant de remarquer quelles sont les caractéristiques de notre chute, à nous, aujourd’hui. La soupe du jour a véritablement un goût de mort, avec quelques poils de barbe d’islamiste et de seringue de médecin Français. On assiste à un double nihilisme. Au chevauchement et à l’entre-chevauchement de deux cultures de morts, distinctes, et pourtant si proche :

  • – L’islamisme, qui tue au nom de la Charria, (Meriam et Asia Bibi, et les milliers de victimes)
  • – et le socialisme, qui tue au nom du progrès. (Vincent Lambert, l’acquittement du « docteur » Bonnemaison, l’avortement massifi).

Entre l’Islam et le socialisme, la Charria et le « progrès », il y a un lien profond : c’est le totalitarisme.

Hannah Arendt disait que le totalitarisme n’est pas tant un « régime » politique qu’une « dynamique autodestructive», qui cherche à détruire tout ce qui lui résiste : la famille, les libertés individuelles, la liberté d’éduquer ses enfants, la liberté de disposer des fruits de son travail, jusqu’au droit même, pour l’embryon, de naître, pour le chrétien, de se marier, et pour le faible, de vivre. Dans ce monde, tout est instrumental, tout sert au pouvoir ; le langage, le média, le fonctionnaire, l’instituteur, et l’imam, tous sont autant d’instruments pour asseoir le règne de l’état sur la vie humaine.

Cette emprise totale de l’État sur la vie humaine, qu’il soit islamique ou socialiste, relève de ce que Michel Foucault appelait la « biopolitique », cette immission du pouvoir dans la vie des gens qui repose, au fond, sur un savoir. « Savoir, c’est pouvoir. »

« Le pouvoir, au fond, produit du savoir »

Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, tout le monde sait, ou pense savoir. Mais seul le savoir dominant tranche. Le médecin sait, l’instituteur sait, le haut-fonctionnaire sait, le journaliste sait, l’expert sait. Dans un monde islamiste ou socialiste, seule la procédure demeure : seul l’interprète autorisé des Hadiths, du Coran ou de la Charria sait  ; seul l’interprète des Droits de l’homme, du code pénal ou de l’ « opinion publique » sait. Le pouvoir, au fond, produit du savoir.

La grande leçon de Michel Foucault, quoiqu’on pense de lui, c’est que le pouvoir n’est pas seulement oppressif ouviolent ; à proprement parler, il ne s’exerce pas sur les personnes : il fait les personnes.

Et si le pouvoir fait les personnes, il peut les défaire, quand bon lui semble. La logique est imparable. Vous voulez dissiper l’obscurité de l’homme ? « Découpez un cadavre », disait Bichat, cet immense médecin qui a fait de la mort, non plus un mystère, mais un savoir…

La démocratie réelle, c’est possible !

02 lundi Juin 2014

Posted by Vivien Hoch in Médias, Philosophie, Politique

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électeurs inscrits, Démocratie réelle, démos, directe, peuple, référendum d’initiative populaire, réforme constitutionnelle, représentation nationale

étapes Pays Réels democratie directe

 

 

La France traverse une crise politique de grande ampleur. Les Français n’ont plus confiance dans les hommes politiques, ni d’ailleurs dans aucune structure de représentation. Cette défiance tient à une cause principale: « représentants » nous représentent très mal.

La seule réponse valable consiste à redonner la parole au peuple.

Et, pour cela, il est impératif d’offrir la possibilité d’un vrai référendum d’initiative populaire

Contrairement à ce que la propagande médiatique a prétendu, en effet, la réforme constitutionnelle de 2008 n’a pas créé un référendum d’initiative populaire. Car le dispositif créée par la réforme Sarkozy est, en réalité, un référendum d’initiative parlementaire.

Pour obtenir un VRAI référendum d’initiative populaire, il faut que le peuple ait seul l’initiative de ce référendum. C’est pourquoi nous proposons que le premier référendum d’initiative partagée soit pour réclamer un vrai référendum d’initiative populaire.

Certes, cela représente un effort considérable, puisqu’il faut réunir:

  • 185 parlementaires (un cinquième des sénateurs et députés);
  • 4,5 millions d’électeurs (un dixième des électeurs inscrits)

Un VRAI référendum d’initiative populaire serait:

  • Un référendum qui se passerait du veto parlementaire,
  • Un référendum accessible à un nombre raisonnable de citoyens: un cinquantième des inscrits (soit quelque 900 000) serait un ordre de grandeur raisonnable.

Le vote populaire devrait toujours s’imposer à la représentation nationale. C’est pourquoi il n’y a de démocratie représentative que s’il y a, au-dessus, une véritable démocratie directe.

Signez la pétition en ligne sur PaysRéels.org

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